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Sylvie Alice Royer

L'esprit de la marche afghane


Si on s’attarde plus volontiers aux considérations techniques de cette pratique, le marcheur entraîné sait bien que c’est l’esprit de la marche qui domine ses pas. Or, dans un premier temps, la marche afghane avec ses harmoniques respiratoires peut mener à une observance rigide des rythmes. Et, bien que simple et versatile, être perçue comme restrictive alors que son potentiel d’expression, au-delà de la mécanicité apparente, est entraînant et libérateur. Voyons voir.


La marche afghane, que ni les afghans, ni les nomades du pays ne connaissent, a été conceptualisée à la fin des années 80 par l’européen Édouard G. Stiegler, grand marcheur, adepte de la respiration rythmique. Ce dernier, en résidence en Afghanistan, fasciné et inspiré par les caravaniers, eut alors le génie de marier formellement le souffle avec le pas. Il développe des rythmes; il écrit un livre : La régénération par la marche afghane. Dès lors, la marche afghane est lancée en Occident. Un marcheur extravagant la mettra bientôt à rude épreuve. C'est le français René Flinois qui, dans les années 90, marche 20,000 km, soit la distance entre Paris-Pékin. Il passera justement par l’Afghanistan où des moudjahiddin, compagnons d’occasion, le surnommeront familièrement koutchi. C’est-à-dire celui qui part avec sa maison, mais surtout, dans le contexte, celui qui marche à la manière des koutchis, ceux-là même qui ont inspirés Stiegler. Si les afghans ne connaissent pas l’expression marche afghane, ils savent reconnaître une marche performante.


Le côté compétitif de la marche afghane est sans conteste, il tient à l’économie d’énergie qu’elle génère grâce à la vigilance d’un souffle harmonisé aux pas. Que ce soit à l’effort ou au long cours, marcher afghan implique l’optimisation de différents rythmes respiratoires en réponse combinée au dénivelé, à l’environnement climatique de même qu’à la condition physique du marcheur. À cet égard, au fil des années, nous avons développé à MAQ une pédagogie qui réserve une place importante à la libération du souffle en vue d’alléger les tensions musculaires chroniques qui limitent la portée d’une respiration qui se voudrait ample, et donc maximiser la force de la pratique. Les principes simples de la marche afghane se concentrent autour de quelques rythmes avec ou sans effort. Stiegler a raison, le cœur de la marche afghane, c’est la respiration. Par exemple, le rythme 3.1/3.1 qui désigne les quatre temps de la respiration alignée sur les pas du marcheur : inspire / rétention à poumons pleins / expire / rétention à poumons vides. Le marcheur débutant compte ses pas. C’est-à-dire, en l’occurrence, inspirer sur 3 pas, suspension du souffle sur un pas, expirer sur 3 pas et encore suspension du souffle sur 1 pas, concluant ainsi un premier cycle du rythme de base 3.1/3.1, à renouveler à son gré tel un refrain musical sur la route qui est la sienne.


Au début de l’apprentissage, c’est généralement l’inconfort. On se sent limité dans son élan, mais bientôt, plus ou moins selon sa capacité à libérer le souffle et à développer l’amplitude pulmonaire, on prend véritablement son air d’aller. On n’a plus besoin de compter ses pas. À terme on devient la marche, inter-changeant aisément les rythmes, au nombre de 5 à 10 incluant les variations, en créant même de nouveaux à la faveur du terrain et de son état cardio-respiratoire sachant que l’inspiration active le métabolisme, via la branche sympathique du système nerveux autonome, et que l’expire l’apaise via la branche parasympathique. On est alors en business, comme on dit au Québec. Enfin, lorsque le marcheur en vient à observer chez lui des changements de rythmes autonomes, c’est qu’il est activement lié à l’intelligence du corps, et cela arrive avec la pratique.


La marche afghane n’est ni un sport, ni un objectif en soi. C’est un outil au service du confort du marcheur. Peu importe la pratique de marche, qu’elle soit de courte ou de longue durée, qu’elle soit lente, tonique ou dynamique. Nommément la marche nordique, laquelle selon des adeptes bénéficient beaucoup de l’harmonisation du souffle au pas. En outre, on peut facilement appliquer la respiration rythmique de la marche afghane à l’état de cohérence cardiaque. C’est d’ailleurs une condition physiologique communément atteinte lors d’une marche posée, sans parler de la méditation active qui signe également le potentiel de cette marche.Dans tous les cas, le marcheur n’a qu’à considérer l’environnement, choisir le bon rythme et la bonne cadence. Cela s’apprend.


Il semble que la marche afghane puisse faire partie du sac à dos de tout marcheur animé tant par la performance physique, que la présence à soi. Le maître-mot est : Souffle. L’impact, une oxygénation supérieure, une ardeur renouvelée, une sensibilité accrue. Bref, la marche afghane nourrit l’esprit de la marche. C’est une promesse.


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Ouvrages de l’auteure :

La marche afghane pour tous, Sylvie Alice ROYER, Thierry Souccar Editions, 2018

J’apprends la marche afghane, Sylvie Alice ROYER, Thierry Souccar Editions, 2022

Références :

www.marcheafghanequebec.com

www.pneumacorps.com

www.coherenceinfo.com

La régénération par la marche afghane, Édouard G. STIEGLER, Editions Guy Tredaniel

Paris – Pékin 20,000 km à pied, René FlINOIS, Editions Fernand Nathan








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